Le paysage du football français est plus divisé que jamais depuis de nombreux mois. Au début de la saison, la décision de choisir DAZN comme diffuseur de 8 des 9 affiches de chaque journée de l'élite a encore accru les tensions. Joseph OUGHOURLIAN et JOHN TEXTOR, qui avaient anticipé un désastre, se sont heurtés à un NASSER AL-KHELAIFI tout-puissant. Ce dernier n’a pas hésité à critiquer les deux présidents lors d’une visioconférence du 14 juillet dernier, dont les échanges ont été largement rapportés, notamment dans un Complément d’enquête diffusé la semaine passée. Pour l'heure, il est difficile de contredire le président de LENS et celui de l'OL, qui avaient raison sur le projet de la plateforme de streaming. Alors que DAZN peine à attirer des abonnés, elle n’a versé que la moitié de son échéance de février et n’est pas certaine de pouvoir honorer la suivante. C’est dans ce contexte tendu qu’a eu lieu une nouvelle visioconférence entre les présidents de LIGUE 1, le 14 février, sept mois jour pour jour après la réunion qui avait tourné au clash.
Cette nouvelle réunion, qui s’est tenue le jour de la Saint-Valentin, n’a certainement pas été marquée par des déclarations d’amour pour DAZN. FABIEN TOUATI, réalisateur du Complément d’Enquête sur le PSG, était l’invité de RMC ce lundi soir et a partagé un extrait de cette entrevue houleuse. En retrait il y a sept mois, WALDEMAR KITA a été le premier à prendre la parole. L’homme d’affaires polonais a vivement critiqué JEAN-PIERRE CAILLOT, le président de REIMS, en exprimant son mécontentement : « Je ne suis pas du tout content de la façon dont les choses se passent. Je ne suis pas satisfait de tes explications concernant nos paiements, JEAN-PIERRE. On en a assez d’entendre ça. Aujourd’hui, nous ne savons pas où en sont nos finances. JEAN-PIERRE, c’est bien gentil, mais je ne vois pas quelle est la philosophie de la LIGUE. Tout le monde est fatigué, JEAN-PIERRE. Tu n’es pas le seul. Remplis ton rôle, c’est tout. Nous voulons des explications. Cela fait des mois que nous ne nous sommes pas plaints. Nous sommes conduits vers un suicide collectif, et personne ne bouge. »
Bien moins offensif qu’il y a quelques mois, NASSER AL-KHELAIFI est intervenu pour apaiser les tensions et demander à chacun de travailler pour trouver une solution. Mais cela n’a pas suffi à calmer WALDEMAR KITA : « Oh non, NASSER, il n’est pas question de se calmer. Je mets mon propre argent là-dedans. Tu comprends ça ? » D’autres voix se sont élevées pour critiquer le produit DAZN. JEAN-MICHEL ROUSSIER, président du HAVRE, a exprimé son désaccord : « DAZN, pourquoi est-ce au tribunal ? Parce qu’ils ont fait des erreurs dès le début et continuent d’en faire. Ils se sont trompés dans leur business plan. Ce sont les seuls au monde qui pensaient attirer 1,5 million d’abonnés avec le produit médiocre qu’ils nous livrent. » JEAN-PIERRE RIVÈRE, président de NICE, a ajouté qu’il n’envisageait aucun cadeau et que DAZN devait absolument respecter ses engagements financiers, tandis quOLIVIER LÉTANG, président du LOSC, a reconnu son mécontentement et insisté sur la nécessité de trouver rapidement un plan B.
C’est après ces nombreuses interventions que JOSEPH OUGHOURLIAN a pris la parole. Clairvoyant depuis le début, le président du RC LENS a exigé des comptes de ceux qui avaient choisi DAZN l'été dernier : « Je pense qu’aujourd’hui, le management de la LIGUE, VINCENT LABRUNE en particulier, et le collège, JEAN-PIERRE CAILLOT, portent une responsabilité immense dans ce désastre. C’est un désastre qui me sidère. J’aimerais que ces personnes prennent enfin leurs responsabilités, mais c’est beaucoup trop leur demander. Je vous en supplie, parce que c’est mon argent personnel que je mets dans le club : travaillez sur un plan B avec des gens compétents. »
Il a ensuite dénoncé le petit groupe de décideurs qui ont mené le football français droit dans le mur en choisissant DAZN : « Tout le monde se plaint du manque d’information et de gouvernance. Tout le monde sait qu’il y a une petite clique, dont tu fais partie, JEAN-PIERRE (CAILLOT), qui contrôle l’information et la gouvernance. Si cette clique avait été éclairée et avait pris les bonnes décisions, nous serions tous là à vous applaudir. Évidemment, cela n’a pas été le cas. On parle souvent d'intelligence collective, mais dans notre cas, il s’agit d’un bel exemple de bêtise collective. Il y a ceux qui apprennent des erreurs des autres et ceux qui apprennent des leurs. Nous, nous avons fait les mêmes erreurs plusieurs fois… Vous avez complètement ruiné le produit. Ça fait dix ans que nous avons devant nous pour revenir aux chiffres d'AMAZON. »
Avec une verve saccadée, le président artésien a poursuivi : « Pour que ce soit clair, 400 000 ou 500 000 abonnés valorisent nos droits de 150 à 200 millions d’euros. Voilà ce que valent nos droits aujourd’hui. Lorsque les prochaines négociations commenceront avec CANAL+, DAZN ou qui que ce soit… nous sommes à 150-200 millions, à cause des décisions prises par cette petite clique éclairée qui a convaincu le collège de LIGUE 1. Alors voilà où nous en sommes. Je ne suis pas là pour refaire l’histoire, mais les personnes qui ont poussé pour la solution DAZN à la dernière minute sans examiner l’offre commerciale devraient faire preuve d'humilité. Actuellement, nous avons 400 000 abonnés, alors que nous avions 1,2 million sur AMAZON et 3 millions sur CANAL+. À 400 000 abonnés, c’est dérisoire dans un pays de 65 millions d’habitants. Vous vous rendez compte de l’effort qu’il faudra fournir pour revenir même à un million ? Ce travail, personne ne le fera à notre place. Il faut se retrousser les manches et mobiliser toutes les forces vives, s'il y en a encore. À 400 000 abonnés, réfléchissez un peu… C'est difficilement compréhensible ce qui a été décidé. DAZN, la clause de deux ans… C'est intellectuellement compliqué à saisir. » Le football français est encore loin d'être sorti de la crise…