Depuis plusieurs mois, le football français est confronté à de nombreux problèmes liés aux droits de diffusion. La LFP, dirigée par Vincent Labrune, a souvent été critiquée à ce sujet. Comment valoriser au mieux le produit Ligue 1 pour éviter d'éventuelles difficultés lors des prochains appels d'offres ? C'est une question à laquelle la Ligue a tenté de répondre ces derniers mois en amorçant une révolution de son image. Cela a débuté par une nouvelle direction artistique comprenant un nouveau logo, un nouvel habillage, une nouvelle musique et un nouveau trophée, ainsi qu'une volonté de s'adresser à un public français plus jeune. Cependant, pour faire du football français une référence internationale, il est essentiel de se projeter à l'étranger. Ce mercredi, au siège de la LFP, les membres de LFP Media ont présenté leur nouvelle stratégie pour séduire le marché international, allant de la production des matchs à un contenu plus « léger » sous forme de magazine. Depuis le départ de Mediapro en 2021, la LFP a récupéré la totalité de la production et de la réalisation du football français, dont se chargeait initialement beIN Sports. Par souci de réactivité, Amazon, qui avait acquis les droits en urgence à l'époque, a confié cette responsabilité à la LFP, une opportunité pour celle-ci de gérer le contenu à sa guise.
Ainsi, depuis 2024, la LFP, en tant que producteur, est en mesure de développer une offre mieux adaptée à chaque pays, en élaborant une ligne éditoriale distincte pour valoriser le produit Ligue 1 à l'international. « Notre objectif est d'améliorer le storytelling autour de la Ligue 1, de créer un contenu localisé et personnalisé, d'apporter de la valeur à nos partenaires et de poursuivre la dynamique de la nouvelle image de la Ligue 1 », explique Thomas Bernard, Directeur Média et Production. L'enjeu est majeur, puisque le football français est diffusé dans 215 territoires, avec 44 diffuseurs et plus de 2 milliards de personnes touchées. Pour améliorer la qualité du contenu, la LFP a d'abord investi dans la production visuelle, permettant aux chaînes étrangères de disposer d'un contenu prêt à diffuser. Cela se traduit par un large éventail d'angles de caméra (par exemple, lors du PSG-OM, 27 caméras étaient disponibles), la possibilité de filmer sur le terrain jusqu'au coup d'envoi et pendant les célébrations des joueurs, ainsi que la création de contenus personnalisés pour les réseaux sociaux. « Si la télévision japonaise souhaite une vidéo sur les réseaux sociaux de Junya Ito à l'échauffement, nous avons quelqu'un qui s'en occupe et envoie rapidement la vidéo à la chaîne », précise David Labrune, Directeur des Droits Médias Internationaux. En d'autres termes, la Ligue facilite le travail des chaînes étrangères pour simplifier la diffusion et rendre le contenu plus accessible.
À l'image de la Liga, qui est la seule autre ligue à produire son propre championnat, la LFP s'efforce également d'offrir du contenu innovant. Elle a lancé trois magazines de 26 minutes que les chaînes peuvent diffuser. Le dernier en date, appelé "Ligue 1 Show", se distingue par son approche, traitant des à-côtés du football et mettant en lumière des sujets forts en France (mode, gastronomie, monuments, etc.) en collaboration avec des acteurs du football français. L'une des récentes émissions mettait en avant David Bellion, ancien joueur de Manchester United et Bordeaux, qui abordait la mode et son rôle de Brand Manager et directeur créatif du Red Star. Un autre format, "Ligue 1 Preview", recentre le contenu sur le football et met en avant les matchs du week-end (comme une interview de Donnarumma sur ses plus grands arrêts avec le PSG avant le Classique). Ces contenus sont ensuite disponibles sur une plateforme dédiée, que les chaînes étrangères peuvent exploiter à leur convenance. Même si ces magazines ne sont pas diffusés en France, cela est uniquement dû à un choix de DAZN ou de beIN Sports. Les magazines sont également accessibles aux chaînes françaises, mais en anglais, présentés par des journalistes tels que Thibault Le Rol, Julien Laurens ou Sonia Carneiro, ce qui complique la diffusion d'un contenu mettant en avant des personnalités qui ne représentent pas ces chaînes.
Cependant, ce type de contenu est très apprécié à l'étranger, avec plus de 104 magazines déjà enregistrés. Les clubs commencent à jouer le jeu, puisque presque tous les clubs de Ligue 1 ont accepté de suivre les règles de la LFP pour ces interviews : ne pas enregistrer au camp d'entraînement, mais plutôt en ville. Reims a été le premier club à accepter ce format avec Marshall Munetsi, autour de la cathédrale de la ville. Depuis, d'autres clubs, comme Lille, demandent également à participer à ce type de format, ayant accueilli un supporter coréen pour un reportage. « Nous travaillons main dans la main avec les clubs pour démontrer nos intérêts communs et promouvoir notre football. C'est ce que j'explique lors de nos échanges, nous collaborons sur les sujets, les questions… », précise Alexandre Da Costa Teixeira, Chef de Projet Senior Média et Contenu Vidéo.
Pour séduire le marché international, un championnat attractif sur le plan sportif n'est pas suffisant, il faut également une communication efficace. La LFP a donc décidé d'innover en recourant à l'intelligence artificielle. Ce choix fort permettra une traduction automatique dans plus de 80 langues des contenus des magazines. Les chaînes étrangères, en raison d'un délai trop court (une demi-journée) et d'un manque de personnel, n'étaient pas en mesure de diffuser certains magazines. Grâce à "Camb.IA", cela devient désormais possible. Le contenu sera contrôlé par plusieurs intermédiaires pour garantir la qualité des traductions. La LFP collabore également avec WSC Sports, une entreprise israélienne spécialisée dans l'IA appliquée au sport, pour fournir rapidement du contenu personnalisé. « Grâce à ce système, nous pouvons, par exemple, envoyer rapidement une compilation de tous les tacles des défenseurs ivoiriens ou camerounais à Canal+ Afrique, qui diffuse la Ligue 1 en Afrique subsaharienne, ou une compilation de Muhannad Al-Saad, joueur saoudien de Dunkerque, à beIN Sports MENA », explique David Labrune.
Autre innovation de la LFP, la création d'une plateforme pour les interviews avec une méthode inédite. Ce sont désormais les clubs qui désignent un joueur de leur choix et un créneau horaire. Les chaînes décident ensuite de participer ou non, et la LFP accepte même de se déplacer pour enregistrer les images. Ce nouveau modèle a permis de passer de 30 à 250 interviews. La LFP considère cela comme une réussite et espère que cette révolution contribuera au rayonnement du football français à l'international. Actuellement, la Ligue 1 connaît une hausse de 8 % de ses audiences à l'étranger par rapport à la saison précédente, avec la Chine en tête et la zone Afrique MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord). Parallèlement, la Ligue lutte contre le piratage à l'international, par exemple avec le blocage de VPN suite à l'épisode de Cazé TV au Brésil, un streamer qui diffusait la Ligue 1 sur YouTube. La LFP a de grandes ambitions et espère établir le football français comme une référence aux quatre coins du globe, ce qui nécessitera d'abord des championnats compétitifs.