Après son départ de l'Olympique de Marseille en avril 2022, Nasser Larguet a continué sa carrière dans le football en occupant des postes à responsabilité. En mai 2022, il a été nommé directeur technique national de la Fédération saoudienne de football, mettant à profit son expérience pour le développement du football en Arabie saoudite. Ses missions illustrent la reconnaissance de ses compétences en matière de formation et de développement du football, tant au niveau national qu'international. Récemment, la sélection nationale saoudienne a traversé une période difficile avec des résultats en deçà des attentes, entraînant le départ de Roberto Mancini et le retour d'Hervé Renard à la tête des Faucons Verts. Lors de cette trêve internationale, l'Arabie saoudite affrontera la Chine puis Bahreïn dans le cadre du troisième tour des éliminatoires de la Coupe du Monde 2026. Après six journées, les Saoudiens comptent 6 points et se classent à la 4ème position du groupe C, derrière le Japon, l'Australie et l'Indonésie. Bahreïn et la Chine les suivent également avec 6 points. Dans un entretien exclusif pour Foot Mercato, Nasser Larguet nous livre les coulisses du football saoudien, entre la Saudi Pro League, l'organisation de la Coupe du Monde 2034 et les actualités de la sélection nationale.
Foot Mercato : cela fait maintenant trois ans que vous occupez le poste de directeur technique de la sélection nationale d'Arabie saoudite, un rôle important. En quoi consiste-t-il concrètement au sein de la fédération ?
Nasser Larguet : c'est une très bonne question. Souvent, lorsque l'on évoque le rôle d'un directeur technique dans une fédération, on le relie principalement aux équipes nationales, mais c'est bien plus large. En tant que directeur technique national, ma responsabilité est de développer le football dans le pays. Cela inclut le football de base, que ce soit dans les écoles, les quartiers ou les clubs amateurs et professionnels. Une autre partie essentielle de ce rôle est la formation des cadres, des entraîneurs dans toutes les disciplines comme le beach soccer, le futsal, le football à 11, le football des jeunes et féminin. Il s'agit de former des entraîneurs, des préparateurs physiques, des entraîneurs de gardiens, ainsi que des scouts. En ce qui concerne l'élite, ma tâche concerne également l'accompagnement des centres de formation des clubs à travers des règlements, des visites régulières et des formations pour les entraîneurs, en particulier pour les jeunes. En fin de compte, je suis également responsable de la gestion et de la constitution des staffs pour les équipes nationales de jeunes afin de performer à l'échelle régionale et internationale.
FM : avec l'arrivée de nombreuses stars en Saudi Pro League, le football saoudien est devenu très populaire dans le monde entier. Comment évaluez-vous cette évolution du football national ?
NL : c'est quelque chose de positif qui montre que l'Arabie saoudite est un pays de football. Il existe une solide base de fans, même avant l'arrivée des stars internationales. Le fait de mettre en lumière le potentiel du pays, tant en tant que joueur qu'en tant que public, est fondamental pour nous, au niveau de la formation, que ce soit pour les entraîneurs ou les joueurs. Nous avons de grands noms d'entraîneurs et de joueurs dans le pays, et les jeunes ont la chance de les voir s'entraîner au quotidien. C'est un indicateur important pour nos jeunes pour comprendre le très haut niveau, et c'est essentiel pour les motiver. Cela nous aide énormément dans le développement du football ici en Arabie saoudite.
FM : récemment, Hervé Renard a fait son retour à la tête de l'équipe nationale. Pouvez-vous nous parler des coulisses de son retour et de votre relation avec lui ? Que pensez-vous de ses méthodes de travail ?
NL : je le connais depuis longtemps, je l'ai rencontré quand je l'ai signé comme formateur adjoint puis directeur du centre de formation à l'AS Cannes avec Guy Lacombe. J'ai suivi sa carrière d'entraîneur technique, notamment avec la Zambie et la Côte d'Ivoire. En tant que directeur technique national du Maroc, j'ai été celui qui l'ai convaincu de venir travailler avec nous, et il a réalisé un excellent travail. En arrivant en Arabie saoudite, il a prouvé qu'il connaissait bien le football, surtout en Asie et en Afrique. Son parcours avec l'équipe nationale a été marquant, notamment quand l'Arabie saoudite s'est qualifiée pour la Coupe du Monde 2022 à Qatar en terminant première d'un groupe difficile en Asie. Hervé est très engagé, il met beaucoup d'énergie dans son travail, et c'est un motivateur hors pair. Son retour a été bien accueilli car il a laissé une empreinte positive dans le football saoudien, il est très apprécié des joueurs et des fans.
FM : avant lui, la fédération a réussi à convaincre Roberto Mancini de quitter l'équipe nationale italienne pour rejoindre l'Arabie saoudite. Tout ne s'est pas passé comme prévu. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette fin d'histoire avec l'Italien ?
NL : la relation entre Mancini et les dirigeants était bonne. Malheureusement, dans le football, il arrive parfois que les résultats ne soient pas au rendez-vous, même avec un palmarès impressionnant. Dans notre cas, il s'agissait d'une situation délicate où l'équipe nationale devait se qualifier pour la Coupe du Monde, et lorsque les résultats ne suivent pas, des décisions difficiles sont nécessaires. Il est difficile de changer 50 ou 80 % d'une équipe, donc souvent, l'entraîneur est celui qui en paie le prix. C'est une réalité dans toute organisation de football, qu'il s'agisse d'un club ou d'une fédération, et il y a eu une séparation à l'amiable.
FM : les derniers résultats de la sélection nationale sont décevants, avec une 4ème place actuelle du groupe C des éliminatoires de la Coupe du Monde. Êtes-vous confiant quant à une qualification pour 2026 ? Où se trouvent les solutions aux récents problèmes ?
NL : je reste confiant, il reste quatre matchs à jouer. Nous avons un match à domicile contre la Chine suivi d'un déplacement au Japon, et ensuite des matchs contre Bahreïn et l'Australie. Tant qu'il y a des points à prendre, l'espoir demeure. Il est essentiel que chacun prenne conscience de l'importance de ces prochains matchs. Je sais qu'Hervé et les dirigeants ont confiance dans les joueurs, mais ce sont les joueurs sur le terrain qui doivent performer. Nous sommes effectivement dans une phase de transition, avec des jeunes qui intègrent l'équipe nationale, et il faut que cela fonctionne. Je suis convaincu que sur les quatre matchs restants, nous avons les capacités de nous qualifier. Il est essentiel de terminer dans les deux premiers, mais je crois fermement en notre potentiel, et avec l'expérience d'Hervé, nous avons les outils pour y arriver.
FM : parlons des infrastructures en Arabie saoudite. Vous vivez sur place l'évolution du football et le début des travaux pour la Coupe du Monde 2034. Que pouvez-vous nous dire sur les projets en cours ?
NL : cela sera sans aucun doute une grande fête, et le pays a les moyens de réussir. Au-delà des ressources financières, il y a un véritable engagement de la part de ceux qui travaillent sur ce projet, avec des personnes très compétentes, tant locales qu'internationales. La Coupe d'Asie 2027 se déroulera également en Arabie saoudite, et il y aura un développement significatif des infrastructures, que ce soit pour les stades ou les centres d'entraînement. L'Arabie saoudite a prouvé qu'elle sait s'engager dans des projets ambitieux de qualité.
FM : Amnesty International et d'autres ONG ont accusé l'Arabie saoudite de violations des droits de l'homme, notamment envers les travailleurs migrants. Cela inquiète-t-il la fédération saoudienne ?
NL : il est difficile de juger sans avoir vécu sur place. Personnellement, je suis arrivé en Arabie saoudite il y a trois ans et j'ai été agréablement surpris par la bienveillance, le professionnalisme et l'envie de progresser des gens ici. Les critiques émises sans connaissance de cause peuvent être faciles. Je peux vous assurer que la vie en Arabie saoudite est exceptionnelle.
FM : revenons à votre pays, le Maroc. Vous avez été directeur technique national et vous avez contribué au succès de la génération actuelle. Que pensez-vous du travail de Walid Regragui et de Fouzi Lekjaa, maintenant que vous pouvez l'analyser de l'extérieur ?
NL : je suis très fier de ce que j'ai accompli avec le Maroc, avec l'Académie mise en place sur la demande de Sa Majesté. Nous avons compris que le football ne peut exister sans une formation solide. Des joueurs issus de cette académie brillent aujourd'hui tant en club qu'en sélection nationale. J'ai travaillé à construire une direction technique nationale avec Fouzi Lekjaa, et le fait que Walid Regragui soit un pur produit de notre système est une réussite. Il y a une belle génération actuellement, et je vois que les binationaux, auparavant hésitants, souhaitent désormais jouer pour le Maroc. Cela témoigne de la bonne santé du football marocain.
FM : vous avez dirigé l'Académie Mohamed VI, quel a été votre secret pour produire autant de jeunes talents ?
NL : le secret réside dans le fait d'avoir démarré ce projet sur une feuille blanche, en imaginant mes infrastructures et en priorisant la qualité des ressources humaines. Au Maroc, nous avions besoin d'infrastructures de qualité, et aujourd'hui, grâce aux efforts de Fouzi Lekjaa et de Sa Majesté, c'est le cas. J'ai consacré deux ans à parcourir le pays pour détecter les meilleurs jeunes talents, en visionnant plus de 15 000 enfants, dont 37 ont été retenus pour intégrer l'Académie. Nous devons être patients et passionnés, et c'est ainsi que l'Académie est devenue un modèle international.
FM : le Royaume accueillera une CAN l'année prochaine et co-organisera la Coupe du Monde en 2030. Quel est le succès derrière le développement du football au Maroc ?
NL : l'explication réside dans une prise de conscience par Sa Majesté. Il était nécessaire d'avoir une vision globale, car les projets individuels ne perduraient pas. Grâce à cette vision, la stratégie de formation des jeunes a été amplifiée et tous les clubs s'engagent désormais davantage dans ce domaine. La qualification à la Coupe du Monde en Russie a renforcé la notoriété du football marocain, et les résultats que nous avons obtenus ont permis au pays de devenir crédible sur la scène internationale.
FM : dernière question pour nos amis de Marseille. Suivez-vous encore votre ancien club, l'OM ? Que pensez-vous du projet actuel avec Roberto De Zerbi, Medhi Benatia et Pablo Longoria ?
NL : je continue à suivre l'OM, une équipe avec laquelle j'ai eu une belle expérience. Je pense qu'ils semblent avoir trouvé leur rythme avec De Zerbi et l'arrivée de Benatia pour soutenir Pablo Longoria. S'ils s'inscrivent dans la durée, il y a un potentiel pour construire une grande équipe. Malgré leur défaite contre le PSG, Marseille a montré de belles choses et je crois que l'équipe est sur la bonne voie.